Potton Spings revisité

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Gérard Leduc

medium_pottonsprings.jpgLes citoyens de Potton se rappelleront peut-être du site de Potton Springs ainsi nommé en raison de trois petites sources sulfureuses qui ont rendu l'endroit célèbre pendant plus de cent ans. La tradition veut qu'en 1828, Nathan Banfill, à l'époque âgé de 14 ans, alors qu'il travaillait dans un champ au pied du mont Pevee, chercha une source d'eau pour se désaltérer. Il trouva, au pied d'un rocher, le filet d'une eau à l'odeur très particulière! C'était une source d'eau sulfureuse.

INTÉRESSANTE DÉCOUVERTE
Cette découverte fit sensation et on vint de partout pour profiter de cette eau miraculeuse, remède à tous les maux: foie, estomac, inflammations, rhumatismes, et autres. On en buvait, on s'y baignait et on en rapportait chez soi. L'hôtel McMannis, à cette époque situé à l'intersection de la route 243 et du chemin Mountain, fit de bonnes affaires avec les "pensionnaires des sources" qui se rendaient à Potton Springs en voiture attelée.

Le 4 juillet 1862, des hommes d'affaires des Cantons-de-l'Est s'y réunirrent pour célébrer la Potton Sulphur Spring et les francs maçons gravèrent leur sigle et autres symboles sur le site même. Par la suite, C. F. Haskell de Stanstead baptisa officiellement l'endroit Mount Pleasant Spring, nom qui fut vite oublié. POTTON SPRINGS HOTEL
C'est la construction en 1875, du Potton Springs Hotel par N. H. Green qui rendit l'endroit célèbre. Deux ans plus tard, le nouvel hôtel tira profit du prolongement de la ligne de chemin de fer de la Missisquoi and Black Rivers Valley Company qui reliait Eastman à Potton Springs. L'hôtel fut ensuite acheté par J. A. Wright, agrandi en 1912 et électrifié par une génératrice. On pouvait alors héberger 75 personnes au tarif de deux dollars par jour!

Les sources sulfureuses étaient captées en montagne dans un réservoir en bois situé près de la source, puis canalisées par gravité vers l'hôtel, situé en contre-bas. Ces eaux connurent une réputation exceptionnelle et les vacanciers curistes venaient de partout : des États-Unis, de France, d'Angleterre, de Montréal, de l'Ouest canadien et bien entendu des Cantons-de-l'Est. Ce fut l'origine des spas modernes dans nos régions.

ORFORD MOUNTAIN RAILWAY
En 1888, le Orford Mountain Railway, plus tard acheté par le Canadien Pacifique, prit la relève du chemin de fer et on construisit une plate-forme abritée pour le confort des voyageurs séjournant au Potton Springs Hotel. À l'hôtel s'ajoutaient d'autres bâtiments, dont une écurie pour les chevaux tirant les calèches puis, dans les années 20, un grand garage pour les premières automobiles de tourisme.

Nous ne possédons pas de photos de la vie à l'intérieur de l'hôtel mais nous croyons qu'il y avait une grande piscine, alimentée par les sources sulfureuses, telle que le suggère une profonde excavation sous la partie la plus ancienne des bâtiments et équipée d'un tuyau de trop-plein au centre. Un court escalier de ciment conduisait à la piscine chauffée grâce à une fournaise dont il reste la base d'une cheminée de briques provenant de Lennoxville. À l'extérieur, sur la grande pelouse, on trouvait un totem d'environ sept mètres de hauteur, orné de motifs amérindiens ainsi qu'en témoigne une photo-carte postale de l'époque. Enfin, autre détail intéressant, l'hôtel possédait son propre bureau de poste.

Il ne faut pas oublier une grande salle de divertissements située à une centaine de mètres de l'hôtel. Ornée de superbes boiseries, la salle, située à l'étage, servait aux jeux d'intérieur, aux soirées dansantes, au cinéma et aux spectacles. C'était la belle époque! Les chambres des employés occupaient le rez-de-chaussée. Ce bâtiment brûla vers 1995.

DÉCLIN
Les affaires allaient rondement, mais l'affluence commença à diminuer à la fin des années 20, et le Potton Springs Hotel fut probablement victime de la crise économique. J. A. Wright le vendit à F. Larin en 1930 et un incendie, supposé d'origine criminelle, détruisit l'hôtel en 1934. Souvenons-nous que, l'automne venu, l'hôtel fermait ses portes et on retirait la grande enseigne POTTON SPRINGS HOTEL qu'on remisait dans le poulailler. Celle-ci ne fut donc pas détruite dans l'incendie mais, ironie du sort, elle fut volée il y a quelques années, après que les nouveaux propriétaires l'eurent dégagée du poulailler effondré.

Qu'en reste-il aujourd'hui? L'écurie! Pour le reste, ce ne sont que fondations de pierre silencieuses, des briques d'une cheminée effondrée, des anciens trottoirs reliant les bâtiments et, bien entendu, évidemment, des sources elles-mêmes et des escaliers qui y conduisent, ainsi que le terre-plein de l'ancienne voie ferrée avec les vestiges de la plate-forme des voyageurs. Sur l'emplacement flotte toujours le souvenir des élégantes vacances des Années folles et du soulagement de tous les maux!

UN TRÉSOR MIS À JOUR
Puisque l'endroit a été incendié, il reste très peu de vestiges matériels de cet hôtel renommé si ce n'est que les photos précieusement conservées par les familles de Potton et de Bolton. Toutefois, une découverte faite sur les bords de la rivière Missisquoi pourrait trouver son origine de Potton Springs. En mai 1998, Mme Johanne Lavallée et ses trois enfants, dont la propriété, située non loin de Potton Springs, s'étendait jusqu'à la rivière, observèrent un beau matin que des plats métalliques apparaissaient au pied de la rive. L'érosion rongeait la berge et la terre qui s'effondrait révélà un petit trésor.

L'examen de ces pièces, dix au total, ainsi qu'un petit pot à lait révéla qu'elles étaient constituées de cuivre plaqué argent. Les plats s'agissait vraisemblablement de plats de service pour le thé, le pain, les gâteaux ou les biscuits. Ils ne portent pas de marque de fabrication mais, selon le Musée de la civilisation à Québec, ils dateraient de la fin du 19ème siècle et auraient été fabriqués en Angleterre par placage électrolytique.

D'où pouvaient bien provenir ces pièces d'argenterie enterrées au bord de la rivière? Un examen plus approfondi a permis de voir qu'elles avaient été endommagées par le feu. On relève beaucoup de charbon de bois aggloméré au métal, des déformations dues à la chaleur et certaines pièces, qui étaient empilées, furent soudées suite à la fonte de l'argent. En l'absence de preuve formelle, et étant donné la proximité de l'ancien hôtel, on peut supposer que ces plats furent récupérés dans les décombres du Potton Springs Hotel et enterrés au bord de la rivière, peut-être par des jeunes gens qui pensaient avoir découvert un trésor!

Note: Le site de Potton Springs est une propriété privée et n'est pas accessible aux visiteurs.