La rivière du Haut-Saint-François, au Québec, parcourt les denses forêts de l’arrière-pays montagneux, bien loin de la côte nord écossaise dénudée d’arbres. Cependant, la mélodieuse langue gaélique se faisait entendre autrefois dans ces champs jonchés de roches et dans les cabanes des petits fermiers.
Victimes de l’industrialisation, les familles fermières des Highlands de l’Écosse furent aux prises avec la famine durant les années 1830. Les propriétaires terriens, espérant s’enrichir grâce à la vente de la laine de mouton, chassèrent les locataires des champs cultivés pour faire place à leurs bêtes. Les fermiers s’entassèrent dans de petits lots (appelés crofts) en bordure de la mer, où ils amassaient et préparaient les algues destinées aux usines à savon. Ces petits fermiers en vinrent à dépendre des pommes de terre comme nourriture, et lorsque les récoltes devinrent insuffisantes, les propriétaires les incitèrent à émigrer.
En 1838, une soixantaine de familles montèrent à bord du navire Energy, à Stornaway, sur l’île de Lewis, à destination de propriétés éloignées dans les Cantons-de-l’Est du Québec. La compagnie londonienne British American Land Company possédait les droits de plusieurs terres de la Couronne dans cette région et engageait les colons pour bâtir des routes, des ponts et des moulins.
La majeure partie de la région du Haut-Saint-François ne convenant pas à la culture céréalière, les immigrants optèrent pour l’exploitation forestière en vue d’augmenter leurs revenus. De concert avec les pionniers Canadiens français et catholiques irlandais, les Highlanders s’inventèrent une façon de vivre fondée sur la foresterie et l’agriculture à petite échelle. Quelque 3 000 personnes de langue gaélique habitaient la région vers la fin des années 1800.
Ce circuit patrimonial vous fera connaître l’une des plus anciennes régions d’exploitation forestière du Québec et un berceau de l’industrie des pâtes et papiers du Canada. La plupart des descendants des Highlanders se sont établis ailleurs, mais leur mémoire demeure admirablement gravée dans les églises et les cimetières et dans les groupes locaux de protection du patrimoine, comme la Société Ceilidh de Scotstown.
COMMENT S’Y RENDRE
De Montréal, prenez l’autoroute 10 Est, passez Sherbrooke et suivez les panneaux de signalisation pour la route 112 vers East Angus. Si vous partez de la ville de Québec, dirigez-vous vers l’ouest sur l’autoroute 20 et vers le sud sur l’autoroute 55, en tournant vers l’est sur la route 112. Une route touristique commence à Lennoxville, à 32 kilomètres de la frontière avec le Vermont sur la route 143. Poursuivez votre route vers l’est sur la route 108 en passant devant l’Université Bishop et tournez à gauche sur le chemin Spring, qui mène au village d’Ascot Corner. Le chemin Rivière suit la rivière Saint- François, d’Ascot Corner jusqu’à East Angus le long d’une partie de l’historique chemin Gosford.
EAST ANGUS (pop. 3 604)
Ville papetière animée, East Angus fut construite à côté des rapides du haut de la rivière Saint-François, en aval de sa jonction avec la rivière Eaton. L’histoire de la ville remonte à 1881, lorsqu’un entrepreneur natif de l’Écosse, William Angus, choisit ce site dans le canton de Westbury pour y bâtir une usine à papier et un moulin à scie. L’usine à papier compte aujourd’hui 500 employés.
Angus fut un pionnier dans la fabrication de papier au Canada. Avant de s’établir à Westbury Falls, il avait lancé la première usine chimique de pâtes et papiers au pays, en aval à Windsor Mills. À l’instar des autres villes industrielles du Québec du 19e siècle, c’est la langue qui distinguait les gérants des employés à East Angus. Les patrons anglophones occupaient principalement des maisons cossues sur la rive sud de la Saint-François, alors que la plupart des ouvriers francophones s’installaient dans les quartiers plus pauvres, au nord. Aujourd’hui, la majorité des quelques familles anglophones qui restent dans la région habitent des fermes à l’extérieur de la ville.
Tournez à droite sur la rue Warner après avoir traversé le pont pour faire une courte visite du vieux quartier anglais. L’église United Emmanuel Church en bois est un bâtiment remarquable. La vieille école secondaire anglaise de la rue Maple a été convertie en centre communautaire. Il y a deux cimetières pionniers dans les environs; un sur le chemin Coates et l’autre dans le petit village de Westbury.
BISHOPTON (pop. 450)
Ce village historique possède de nombreux exemples de maisons et d’églises de bois du 19e siècle qui sont bien conservées, dont la plupart datent de l’âge d’or des chemins de fer des Cantons.
Niché entre la rive nord de la rivière Saint-François et le lac Miroir (Mirror Lake), le village fut fondé par un vétéran de la révolution américaine, le capitaine John Bishop, qui s’installa dans le canton de Dudswell en 1800. Les résidents anglophones forment une petite minorité de la population aujourd’hui, mais l’architecture prédominante de style victorien et de la Nouvelle-Angleterre du village témoigne de leur influence sur les débuts du développement de Bishopton.
Un guide de visite pédestre, disponible à la Maison de la culture de Marbleton, tout près d’ici, identifie une vingtaine de bâtiments historiques, dont plusieurs maisons ayant appartenu à la famille Bishop sur la rue qui porte leur nom, l’ancien magasin général Andrews au 84, rue Main, et bon nombre de cimetières où reposent des pionniers de la région.
MARBLETON (pop. 500)
À quelques kilomètres au nord de la route 112 se trouve Marbleton, une ville exploitant une carrière de chaux sur les rives du lac Silver et du lac Adolphe. La fascinante collection de sculptures de bois miniatures de Louis-Émile Beauregard est une attraction populaire exposée à la Maison de la culture. Natif du canton de Dudswell, Beauregard était un maître autodidacte de la sculpture folklorique. Il créa une série de modèles inspirés de la vie rurale à l’échelle miniature et sculptés dans le pin.
Maison de la culture, 900, rue du Lac : (819) 887-6093
GOULD (pop. 75)
Lorsque la British American Land Company (BALC) rendit le canton de Lingwick accessible aux colons dans les années 1830, des immigrants écossais s’installèrent aux alentours de ce petit village, en bordure de la rivière aux Saumons (Salmon River). Après avoir défriché les terres pour leurs propres installations, les colons de l’île de Lewis aménagèrent la route qui relie Gould à Bury (route 108), une autre colonie de la BALC.
Le pont couvert McVetty-McKenny, qui enjambe la rivière à quelques kilomètres d’ici sur la route 257, est la plus longue structure de sa catégorie dans les Cantons. Plusieurs des colonies qui s’établirent autour de Gould ont depuis disparu : North Hill, Galson et Red Mountain, pour n’en nommer que quelques-unes.
Aujourd’hui, les visiteurs peuvent trouver une grande variété d’aliments québécois et écossais au magasin général historique de Gould (1845), qui sert désormais de petite auberge et de restaurant. L’ancien magasin appartenait à James Ross, un ancien capitaine de navire qui immigra au Québec en 1829 et fut le premier maire de Gould. La bâtisse voisine, l’église unie Chalmers (Chalmers United Church) fut érigée par une communauté presbytérienne locale en 1892 avec des briques provenant de maisons démantelées de Victoria Village, une colonie abandonnée de la BALC située à neuf miles en amont.
Des ateliers de cornemuse, de tartans, de danse traditionnelle et de langue gaélique sont au menu du populaire Festival des traditions écossaises de Gould, qui s’échelonne sur plusieurs fins de semaine des mois d’août, de septembre et d’octobre. Ce circuit vous mène au cimetière pionnier de Lingwick, sur le chemin Sand Dirt (route 257), en direction sud-est et qui mène jusqu’à Scotstown.
Festival des traditions écossaises: 1-888 305-3526
SCOTSTOWN (pop. 700)
Scotstown fut nommée ainsi en mémoire de John Scott, un pionnier de Glasgow qui emmena sa famille dans le canton de Hampden au cours des années 1870 pour assumer le poste de gérant de la Glasgow and Canadian Land and Trust Company. La ville se développa autour du moulin de la compagnie, sur la rivière aux Saumons (Salmon River) et conserve beaucoup de son charme pionnier.
Depuis Gould, la route 257 qui mène à Scotstown passe devant l’église presbytérienne Saint-Paul (St. Paul’s Presbyterian Church), bâtie en 1926, et l’ancienne retenue du moulin. Scotstown servit de carrefour commercial pour les camps de bûcherons et les fermes de la région après l’arrivée du Chemin de fer International en 1877. À une certaine époque, Scotstown possédait plusieurs magasins, un fabricant de harnais, un maréchal-ferrant, un cordonnier, un notaire et un médecin. George Sherman construisit l’hôtel local en 1884.
Une solitaire cheminée de briques qui surplombe l’eau rappelle les beaux jours de la ville, alors qu’elle était un centre manufacturier de bois : la cheminée est un vestige de l’usine ouverte ici en 1909 par la compagnie Guelph Patent Cask, Veneer and Plywood Co. de Wolverine, au Michigan.
L’église unie de Saint-Andrew (St. Andrew’s United Church, 1885) au 123, rue Coleman, fut la première église presbytérienne de Scotstown. L’ancienne école secondaire anglaise (1924), au 101, rue Victoria Ouest, abrite aujourd’hui les bureaux municipaux. Les membres de la Société Ceilidh célèbrent les traditions écossaises en organisant un dîner spécial Robbie Burns en janvier et un pique-nique familial en juillet.
Le cimetière Bown, sur la route 214 à l’ouest du village, est tout ce qu’il reste de la colonie disparue de Bown’s Mills.
Société Ceilidh de Scotstown : (819) 657-4609
BURY (pop. 1 230)
Ce village calme et pittoresque est célèbre pour sa grande parade de la fête du Canada, considérée comme la plus imposante au Québec, après celle de Montréal. Fondée en tant que colonie de la BALC durant les années 1830, Bury était une ville d’exploitation forestière connue des premiers Écossais sous le nom de Robinson. On n’y parle plus le gaélique, mais le patrimoine du Royaume-Uni de la colonie est solidement enraciné. Le terrain de golf local, appartenant jadis à la proéminente famille Pope du comté de Compton, est un des plus anciens du Québec.
Le Memorial Park, derrière l’ancien hôtel de ville historique au 569, rue Main, est l’endroit idéal où songer aux rudes épreuves que les colons durent surmonter en s’acharnant à bâtir une communauté dans ce qui fut originalement un camp isolé de bûcherons. Ce bâtiment saisissant en bardeau blanc (1865) est un petit joyau architectural que les conservateurs locaux prévoient restaurer.
Plusieurs bâtiments patrimoniaux agrémentent les rues Main, Stokes et McIver, dont l’école de brique Fairview (1907) au 535-A, rue Main et l’ancienne église unie (United Church, 1868) de l’autre côté de la rue. L’église anglicane Saint-Paul (St. Paul’s Anglican Church) et l’église catholique Saint-Raphaël (St. Raphael Catholic Church) sont toujours actives. Plusieurs générations d’anglophones sont enterrées dans le cimetière protestant de la rue McIver.
COOKSHIRE (pop. 1 560)
Le village de Cookshire se trouvait en bordure d’une région sauvage, à l’extrémité est de la région, avant que la British American Land Co. ne bâtisse un pont traversant la rivière Eaton, en 1836. Les pionniers de la Nouvelle-Angleterre John Cook, John French, le colonel J.H. Taylor et Israel Bayley défrichèrent des terres sur le site actuel de la ville dès 1798, et après le décès de M. Cook, M. Taylor nomma la colonie en son honneur.
Un puissant financier et politicien des Cantons-de-l’Est du nom de John Henry Pope contribua considérablement au développement de Cookshire en tant que centre de bois d’œuvre, de transport et d’agriculture. Élu député du comté de Compton, M. Pope se fit connaître comme premier ministre de l’Agriculture du Canada au sein du cabinet de John A. MacDonald. Par la suite, il fut également nommé ministre des Canaux et des Chemins de fer.
La notoriété de M. Pope tient principalement du fait qu’il amassa les fonds nécessaires pour terminer la construction du chemin de fer Canadien Pacifique, assurant ainsi une liaison ferroviaire pour son propre comté dans le cadre de l’entente. L’élégante résidence familiale de style second empire du 10, rue Pope date de 1880 et abrite actuellement une clinique médicale.
Plusieurs maisons patrimoniales qui bordent les rues Pope, Eastview, Principale et Craig affichent des caractéristiques jugées rares au Québec, comme une véranda en retrait au deuxième étage. L’église anglicane Saint-Pierre (St. Peter’s Anglican Church, 1867) au 30, rue Principale Ouest, est la seule église protestante en pierre de la région.
L’Académie Cookshire (1884), au 95, rue du Parc, offre toujours l’enseignement public en anglais, bien que moins d’un cinquième de la population actuelle soit anglophone.
Les visiteurs seront également attirés par le pont couvert John Henry Cook (1868), situé juste au nord de la ville, sur la rue Craig (route 253), et par l’église unie Trinité (Trinity United Church, 1863), à l’origine un temple méthodiste, au coin des rues Principale Ouest et Pope. En quittant la ville vers l’ouest sur la route 108, le circuit vous mène devant les terrains de foire historiques du comté de Compton. Un guide complet des sites patrimoniaux locaux est disponible à l’hôtel de ville.
Société d'histoire et du patrimoine du Haut-Saint-François: (819) 875-1022
Hôtel de ville de Cookshire: (819) 875-3165
La série des circuits patrimoniaux est présentée par le Réseau du patrimoine anglophone du Québec grâce à une subvention du ministère du Patrimoine canadien et de Développement économique Canada. Le manque d’espace ne permet pas la publication exhaustive de tous les sites. Pour de plus amples informations vous pouvez nous rejoindre au (819) 564-9595 ou le 1- 877- 964-0409 (sans frais au Québec) ou encore visiter notre site Web : www.qahn.org.