La villégiature anglophone au Québec : Métis-sur-Mer

Author:
Tamara Guillemette*
Image:
L'Hôtel Boule Rock, carte postale, vers 1935.

--le 2 mai 2016.

*Tamara Guillemette est étudiante en histoire à l’Université de Sherbrooke. En stage au RPAQ durant l’année 2016, elle produira une série d’articles sur la villégiature dans les villages anglophones du Québec qui sera mise en ligne dans les magazines électroniques du RPAQ. L’article qui suit est le cinquième de la série.

larger_s-l1600_4.jpgBien que le régime seigneurial ait connu un certain succès avec la Compagnie des Cents-Associés, les pays de l’estuaire du Saint-Laurent connaissent une réussite coloniale plutôt mitigée. La mise en valeur de la région de Métis demeure en effet limitée, puisqu’elle se situe très loin des centres décisionnels de la vallée du Saint-Laurent. C’est François Vienney Pachot, originaire du Dauphiné et nouvellement immigrant, qui hérite d’une seigneurie aux abords de la rivière Métis, en 1689, sur la rive sud de l’estuaire du Saint-Laurent. Il est déjà un prospère commerçant, puisqu’il possède un commerce dans la Basse-Ville de Québec. Possédant une lieue de front et une lieue de profondeur, la seigneurie de Métis correspond fidèlement aux intentions d’uniformisation de l’intendant Talon afin d’éviter que des territoires demeurent inoccupés. Pachot souhaite y établir un poste de pêche pour pouvoir y pêcher la morue, la baleine et le phoque. Ses associés lui achètent des droits de pêche dans le golfe du Saint-Laurent, alors que le gouverneur lui accorde les droits de trappe et de traite avec les Amérindiens. À la mort de Pachot en 1698, sa veuve et ses enfants, ne sachant pas trop quoi faire avec la seigneurie, décident de la vendre à René Lepage pour 300 livres et de l’huile de poisson. Celui-ci possède déjà toutes les seigneuries de Sainte-Claire et de Rimouski. Ses héritiers ne parviendront pas à développer la seigneurie en raison d’énormes dettes contractées auprès de marchands et négociants de Québec.

En 1790, près de cent ans après la donation de la seigneurie à Pachot, cette dernière ne possède toujours pas de moulin ou d’habitants. Le retard de développement s’explique par l’éloignement de la seigneurie des régions marchandes. Aucune voie terrestre ne relie la seigneurie de Métis aux grandes villes. Seule la voie fluviale est praticable mais il faut compter de nombreux jours de voyage. On doit attendre 1827 pour qu’une route terrestre soit inaugurée, rattachant Le Bic à Pointe-aux-Pères, permettant aux calèches et charrettes de circuler à Métis. Par ailleurs, le potentiel agricole des berges de la rivière Métis est moindre que celui des régions de la Kamouraska. En 1820, la seigneurie est réquisitionnée par Joseph Drapeau qui saisit les biens des héritiers de Lepage pour faute de paiement. Les activités forestières permettent de construire les premières habitations. Ces dernières abriteront les bûcherons, les scieurs et les draveurs qui permettront à la seigneurie de finalement décoller financièrement.

larger_s-l500.jpgLe développement du tourisme à Métis-sur-Mer est très tardif par rapport à d’autres régions du Bas-Saint-Laurent, qui étaient déjà lentes elles aussi par rapport à la vallée du Saint-Laurent. C’est durant l’été 1962 que les touristes profitent de leurs vacances pour venir visiter la toute première vraie attraction de Métis, le Jardin des Métis (ou The Reford Gardens) qui deviendra l’une des plus belles collections de végétaux de l’époque. Là où des spécialistes ont échoué, Elise Reford réussit à transplanter des plantes exotiques et rares comme les azalées et le pavot bleu du Tibet. Née Elise Stephen Meigen, elle grandit à Montréal avec pour père Sir Robert Meighen, président de la Lake of the Woods Milling, la plus grande compagnie forestière de l’Empire britannique. Elsie Stephen, sa mère, est la plus jeune sœur de George Stephen, baron du chemin de fer ayant fait fortune au Manitoba et au Minnesota. Ce dernier construit le Canadian Pacific Railway en 1880.

Les premiers villégiateurs sont dénombrés aux alentours de 1886, alors que Stephen loue son Estevan Lodge à des marchands britanniques de Montréal qui désirent venir pêcher la morue ou le saumon dans la rivière Métis. Lorsque Stephen est introduit dans la Chambre des Lords en Angleterre, il passera moins de temps au Canada, mais continuera de louer son chalet de pêche, et à des personnages très connus : Gaspard Farrer des Baring Brothers, James Stillman de la National City Bank, Percy Rockefeller et John Sterling de la Shearman and Sterling de Wall Street.

Les riches aristocrates anglophones vont affluer vers Métis-sur-Mer pendant la saison estivale, maintenant reconnue comme lieu de pêche par excellence. Dans le secteur Les Boules, ils construisent des villas cossues dont l’architecture forme un métissage entre l’influence de l’Angleterre et de l’Écosse. Les Boules devient célèbre pour ses gros boulders, des grosses roches polies et lavées par les vagues qui dévalent la grève sporadiquement. Dans l’ensemble, le tourisme ne se développera vraiment qu’avec l’ouverture du Jardin des Métis au public, puisque la villégiature précédente n’était réservée qu’à une très petite élite anglo-canadienne et britannique.

L’héritage écossais est encore bien présent dans la région de Métis-sur-Mer. En 1960, Alice Sharples Baldwin publie son tout premier roman, Metis, Wee Scotland of the Gaspé, qui raconte sa vie et son quotidien dans la maison qu’elle partage avec son mari. Elle parle de la réalité d’une vraie femme de Métis, une native écossaise dans une communauté anglophone au Canada. Ce sont entre autres des Écossais qui, en 1850, fondent la municipalité de Petit-Métis, qui changera de nom en 1897 pour Metis-Beach (ou Métis-sur-Mer). L’immigration écossaise, qui débute aux alentours de 1820, laisse derrière elle les plus belles demeures de Métis-sur-Mer. Elles accueillent en 1860 des professeurs émérites de l’Université McGill qui viennent y passer leur été à écrire. Simplicité et charme rustique sont à l’honneur dans les demeures écossaise converties en petits hôtels lors du boom touristique des stations balnéaires du Bas-Saint-Laurent. Ils sont les principaux promoteurs responsables de l’ouverture de terrains de golf et de tennis sur les anciens domaines seigneuriaux.

En conclusion, Métis-sur-Mer, comme toutes les autres régions de villégiature, a ses hauts et ses bas en matière de protection du patrimoine. L’un de ses joyaux architecturaux, le Petit Miami, construit vers 1930, a été brûlé de fond en comble en 2002. En contrepartie, le phare de Petit-Métis célébrait son centenaire en 2009. Ce dernier apparaît partout dans l’iconographie de Métis-sur-Mer, il est son emblème, son symbole, sa fierté. Bien peu de visiteurs ont gravi les 103 marches nécessaires pour observer le fleuve Saint-Laurent au coucher du soleil. Espérons que la population québécoise saura apprécier, dans les prochaines années, l’héritage anglo-écossais légué à Métis-sur-Mer.

Sources

LEMIEUX, Denis. « Métis-sur-Mer : la poésie d’un chalet de bois », Continuité, no. 40 (1988), pp. 33-35.
REFORD, Alexander. dir., Villégiature anglophone dans le Bas-Saint-Laurent : Métis-sur-Mer, Saint-Patrice et Cacouna, Rimouski, Société d’histoire du Bas-Saint-Laurent, 2002, 54 pages.
PHARE DE MÉTIS (2016). Phare de Métis- Survol historique [En ligne], site consulté le 9 mars 2016, http://www.pharedemetis.ca/francais/