--le 2 mai 2016.
*Tamara Guillemette est étudiante en histoire à l’Université de Sherbrooke. En stage au RPAQ durant l’année 2016, elle produira une série d’articles sur la villégiature dans les villages anglophones du Québec qui sera mise en ligne dans les magazines électroniques du RPAQ. L’article qui suit est le quatrième de la série.
Si la région est plus récemment connue pour être l’hôte du Amnesia Rockfest, célèbre festival de musique rock et punk, la villégiature de Montebello reste pourtant méconnue des Québécois. Pourtant, l’abbé Chamberland, curé de Montebello, décrit sa paroisse avec un amour immuable : « Blottie dans un amphithéâtre de collines, couverte de bois jusqu’à mi-côte, avec sa gracieuse église qui émerge comme une fleur blanche au milieu d’un tapis de verdure, telle apparaît d’abord la jolie paroisse de Notre-Dame de Bonsecours de Montebello, dans la province de Québec. »
Montebello, l’aînée du diocèse d’Ottawa, fût originellement occupée par les Algonquins. La Grande-Nation vivait sur l’île des Allumettes alors que la Petite-Nation se trouvait dans la paroisse dont il est ici question. En 1613, Champlain décide de revisiter le Canada, épris du désir de vivre les récits de Nicolas du Vignau, qui a vécu avec les Algonquins de l’Outaouais pendant plusieurs années. Cette escale à Notre-Dame-de-Bonsecours se devait d’être brève, puisqu’il devait quitter l’endroit après ravitaillement; l’idée générale consistait à quitter l’océan occidental pour se rendre en Chine. Jésuites et Récollets vivront avec les nations algonquines jusqu’en 1629, année où, les Anglais ayant envahi le Canada, ils devront repartir vers la métropole et cesser la conversion des âmes. Trois ans plus tard, la région est reprise aux Anglais.
Les activités agricoles et forestières vont de nouveau bon train. En 1637, une guerre éclate entre les Algonquins et les Iroquois de la Petite-Nation. Ces derniers, beaucoup plus nombreux, remportent la victoire. Une poignée d’Algonquins amers égorgent des Iroquois pendant leur sommeil avant de disparaître dans la nuit. Les cris des victimes hanteront la mémoire des abbés et curés de la Petite-Nation pendant plusieurs années, mais les Algonquins ne reviendront jamais aux abords de l’Outaouais.
La déclaration de paix de 1653 entre les Français et les Iroquois marque le début de la seigneurie de la Petite-Nation. Elle se voit d’abord concédée à Mgr François de Laval; elle est aussi la dernière à être concédée au Canada par la Compagnie des Indes Occidentales. Le Séminaire de Québec se portera acquéreur de la seigneurie, dont un cinquième sera offert plus tard pour former le chapitre de Québec, sous la supervision de François de Laval. Après l’abolition du chapitre, et suite aux demandes du gouverneur anglais Guy Carlton, la seigneurie est vendue à la famille Papineau, à qui l’on doit la prospérité de la région. Même si les circonstances ne permettent pas à Joseph Papineau de venir s’y établir avant 1810; il amène avec lui onze colons (dont les noms sont connus) et construit son manoir sur l’île Arowsen, à plusieurs lieues du moulin et de la scierie. Il meurt quelques années plus tard, laissant à son fils Louis-Joseph Papineau le soin de la seigneurie.
On connaît particulièrement ce dernier pour les remous qu’il cause en Chambre, mais aussi pour les 92 Résolutions et les incidents qui en découleront. À son retour d’exil, il s’installe définitivement dans sa seigneurie (1846). Celle-ci était dans un état stagnant, presque lamentable. Les terres n’étaient toujours pas défrichées, et aucune voie de communication ne reliait Montebello à Rigaud, principal lieu de commerce et de culte dans les environs. À la mort de Papineau, la seigneurie sera cédée à plusieurs reprises; elle passa entre les mains de personnages aussi notables qu’Henri Bourassa et Hector Chauvin, mais sera aussi la propriété des Sulpiciens. Elle sera finalement achetée par un américain d’origine suisse, Harold M. Saddlemire, qui y fonde le Seigniory Club, dont les membres sont des notables issus des domaines bancaire (Sir Charles Gordon, Sir Herbert S. Colt, François L. Béique), industriel (Edward Beatty) et politique (Louis-Alexandre Taschereau). De 1930 à 1970, le club demeure privé, avant de devenir officiellement le Château Montebello. Il a été construit tout en bois rond en 111 jours (délai exceptionnel compte tenu des moyens de l’époque) par l’architecte Harold Lawson qui emploie les tout premiers bûcherons à un salaire plus que raisonnable. Le complexe hôtelier possède un tremplin de ski, une salle de grillades, une taverne, une salle de bal, un hippodrome, un site pour le tir au pigeon d’argile, une écurie (dont le très célèbre cheval Seabiscuit est issu), une piste de curling, une patinoire et bien plus encore. Destiné d’abord aux membres, le complexe hôtelier réoriente ses services pour mieux desservir une clientèle richissime. Le château accueillera aussi de très nombreuses conférences gouvernementales et internationales.
La villégiature ne sera permise qu’avec la construction de la première gare de chemin de fer en 1877. Érigée dans un style « chalet suisse » par une compagnie québécoise, elle s’inspire du très célèbre Château Montebello. Elle est située dans l’axe du circuit transcontinental; elle relie donc les grandes villes de Montréal, Québec, Ottawa, Chicago Pittsburgh, Cleveland, Boston et New York. La gare cessera officiellement ses activités en 1972 et, suite à un effort patrimonial de la communauté de Montebello, elle sera démontée et remontée à son adresse actuelle, alors que le Canadian Pacific souhaitait plutôt la brûler.
Contrairement aux autres villes présentées précédemment dans les articles du Réseau du Patrimoine Anglophone du Québec (RQAP), la villégiature à Montebello n’est pas à la portée de tous. Centrée essentiellement autour du Château Montebello, elle s’adresse, depuis 1929, à une clientèle très fortunée. Ce n’est que très récemment que les sociétés de protection patrimoniale, dont la Société historique Louis-Joseph Papineau, ont commencé à valoriser les anciennes maisons coloniales ainsi que les églises et presbytères qui occupent le territoire de Montebello. Face au dilemme entre valorisation et démolition, la forge, l’hospice et les couvents seront sauvegardés, ce pour le plus grand bonheur des visiteurs contemporains qui ont à cœur de visiter Montebello comme à l’époque de la seigneurie des Papineau.
Sources
CHAMBERLAND, Michel. Histoire de Montebello (1815-1928), Imprimerie des Sourds-Muets Montréal, 385 pages.
NADEAU, Richard et Guy MEILLEUR. « La gare de Montebello », Histoire Québec, Vol. 11, No. 1(2005), p. 33.
SOCIÉTÉ HISTORIQUE LOUIS-JOSEPH PAPINEAU. La grande et petite histoire du Château Montebello [En ligne], site consulté le 15 mars 2016, http://www.montebello.ca/administration/ckeditor/ckfinder/userfiles/fil…