O Canada! Our home and native land
True patriot love in all thy sons command.
With glowing hearts we see thee rise
The True North strong and free!
Ainsi commence l'hymne national du Canada, du moins dans sa version anglaise, chanté pendant des générations par les Canadiens d'un océan à l'autre. Ce que plusieurs personnes ne savent pas, c'est que le poème original d'après lequel la version anglaise a été formulée a été écrit dans les Cantons-de-l'Est.1 Le poète se nommait Robert Stanley Weir (1856-1926).
L'Honorable Robert Stanley Weir était avocat et devint juge à la Cour fédérale du Canada (anciennement Exchequer Court of Canada). M. Weir possédait un esprit vif et écrivit plusieurs traités de droit. Il était également un golfeur passionné, un poète amateur et un membre de la Société royale du Canada. Né à Hamilton, Haut-Canada (Ontario), en 1856, encore tout jeune homme, M. Weir déménagea à Montréal pour étudier le droit. Il réussit rapidement dans sa profession et obtint vite une bonne réputation.
RÉSIDENCE D'ÉTÉ
Très tôt, M. Weir fut attiré par les Cantons-de-l'Est. Des relations d'affaires avec des confrères de Montréal, tels le magnat armateur Sir Hugh Allan et l'homme d'affaires prospère Alexander Douglas, attirèrent M. Weir dans les Cantons-de-l'Est, selon le petit-fils du juge et gardien non officiel de l'histoire de la famille, Steve Simpson. Sir Hugh Allan et Alexander Douglas, possédaient tous deux des résidences secondaires dans les Cantons; voilà comment M. Weir fut amené dans cette région, explique M. Simpson. Éventuellement, M. Weir épousa la fille de Alexander Douglas, Margaret.
D'après Steve Simpson, le juge Weir tomba amoureux de Cedarhurst, un ancien hôtel de 17 pièces situé à Cedarville, hameau pittoresque sur la rive est du lac Memphrémagog. M. Weir acheta la propriété au début des années 1880; lui et sa famille y passaient les étés et parfois jusqu'à six mois par année. C'est là également que M. Weir coucha sur papier son illustre O Canada.
JUGE ET POÈTE
Le juge Weir aimait écrire de la poésie pendant ses heures de loisirs au bord du lac; plusieurs de ses poèmes ont été publiés sous forme de recueils. En 1908, l'année du 300e anniversaire de la ville de Québec, le magazine Collier's Weekly lançait son édition canadienne avec un concours. On désirait obtenir une version anglaise du chant canadien-français patriotique populaire, Ô Canada, écrit en 1880 par Adolphe-Basile Routhier sur une musique composée par Calixa Lavallée. Étant en français, le chant était encore relativement peu connu au Canada anglais.
Plusieurs personnes essayèrent d'écrire une version anglaise du chant, l'une d'elles fut celle du juge Robert Stanley Weir. Ce dernier maîtrisait l'anglais ainsi que le français. À côté du lac Memphrémagog il écrivit son chant, assis à son piano durant l'été 1908. Comme il le raconte lui-même, c'était une tentative pour assurer la très désirée unité du Canada.2 Et ce fut la composition du juge Weir, parmi toutes les autres écrites à l'époque, qui devint populaire. Pendant la Première Guerre mondiale, on raconte que l'O Canada de M. Weir représentait le chant patriotique par excellence des Canadiens qui combattaient dans les tranchées en Europe.
PAROLES MODIFIÉES
L'O Canada du juge Weir comprenait quatre vers. Le texte de 1908 fut légèrement reformulé par le juge lui-même vers 1921, raconte son petit-fils Steve Simpson. Selon ce dernier, M. Weir reconnut qu'il y avait trop de "stand on guards for thee" dans la populaire première strophe. Cependant, la version retenue fut l'originale, et le premier vers de cette version (dans une forme légèrement modifiée) fut celui officiellement nommé hymne national par le gouvernement du Canada en 1980. Cette année marquait le 100e anniversaire du Ô Canada en français.
Dans l'hymne national, version anglaise, deux des expressions "stand on guard" ont été remplacées respectivement par "From far and wide" et "O Canada" et l'un des "O Canada" par "God keep our land". Insérer God dans cet hymne fut une question relevant du politiquement correct, déclare M. Simpson. "Comme si le pouvoir omnipotent avait besoin de la sanction du Parti Libéral!"
M. Simpson et d'autres descendants du juge Weir se sont longtemps opposés aux changements apportés au poème du juge. Il y a quelques années, une version transformée du chant fut entonnée au Forum de Montréal pendant des matches de hockey et gagna un peu de popularité. Elle intégrait les mots "for rights and liberty". En 2001, une autre controverse fut déclenchée par un groupe de féministes. Citant un préjugé de genre dans l'hymne national, elles lancèrent une campagne afin de substituer les mots "in all thy sons command" par l'expression "in all of us command". Cependant, des sondages ont montré que les mots de M. Weir touchent encore les cœurs de la plupart des Canadiens - hommes et femmes -, ce qui rendrait le juge et son petit-fils Steve très fiers.
Notes :
1) Stanstead Journal, 18 septembre 1924.
2) Cité par Stephen W. Simpson, dans un discours devant l'assemblée générale du Weir Memorial Park le 5 janvier 2002. Se référer aussi au discours de Stephen W. Simpson au parc Weir Memorial, 24 mai 1999.