Cent vingt ans après sa construction, vingt-cinq ans après son contournement, se dresse encore le pont couvert qui enjambe le goulet de la baie Fitch. Situé sur la route 247 entre Beebe (Stanstead) et Georgeville, le vieux pont, accompagné de son nouveau cousin en béton tout à côté, est sis au pied de deux profonds escarpements qui encadrent chaque versant de la baie Fitch, un long bras (en fait presque un fjord) du lac Memphrémagog. Le pont enjambe la baie en son point le plus étroit -d'où son nom de pont Narrows.
Dans les années 1970, le pont Narrows était destiné à être démoli. Suite au tollé général, il fut sauvé de la démolition et on construisit un nouveau pont tout près. Quelques années plus tard, on entreprend de rénover le pont couvert, entre autres un nouveau toit en tôle et une nouvelle couche de peinture. Depuis, grâce à des réparations mineures occasionnelles, il tient remarquablement debout.
UN DES PLUS ANCIENS
Un des plus anciens ponts couverts survivant dans la province et l'un des deux seuls à traverser une partie d'un lac, le pont Narrows date de 1881. Des constructeurs locaux de Georgeville, Charles et Alexander McPherson, ont obtenu le contrat de construction pour la somme princière de 775 $. L'entente, datée du 22 janvier 1881, spécifiait que le pont devait être terminé et ouvert à la circulation publique au plus tard en juin de cette même année.(1)
DE TOUTE PREMIÈRE QUALITÉ
Les McPherson se mirent au travail immédiatement et optèrent pour un pont couvert à structure (éprouvée et authentique) réticulaire à treillis de Town, connue sous le nom de Town lattice (nommée d'après un Américain qui avait breveté le design en 1820). Les conditions stipulées dans le contrat insistaient sur la préoccupation du comité de construction local que le travail soit accompli avec habileté et qu'on utilise uniquement des bois de qualité. En effet, chaque détail était indiqué clairement dans le document, à partir de "quatre piliers en tamarac (mélèze) boulonnés aux poutres latérales et sans sève ni défaut", en passant par les tiges de traverse "rondes en fer d'un pouce (2,5 cm) avec des extrémités et des écrous solides", jusqu'à la cambrure de 2 pouces (5 cm).
En effet, que les matériaux utilisés aient été de première qualité et que l'exécution ait été très soignée, on ne peut vraiment pas en douter! Pendant près d'un siècle, le pont couvert a enduré un usage continu et de plus en plus fréquent et lourd. Même depuis sa semi-retraite forcée en 1977, il a gagné une admirable patine.
PÊCHEURS ET AMOUREUX
Aujourd'hui, le pont Narrows est devenu l'un des coins favoris des pêcheurs à la ligne locaux en quête de perchaude et des pique-niqueurs qui, lors d'une pluie, s'y abritent. Les amoureux gravent encore les noms de leur bien-aimé sur l'intérieur des parois.
Il n'y a rien de nouveau sous le soleil! Si on y regarde de près, on pourra voir des inscriptions défraîchies qui datent d'un siècle ou plus. À l'extérieur du pont, un écriteau écaillé avertit les plaisanciers américains de se rapporter aux douanes canadiennes les plus proches sous peine de payer une amende. Le pont se trouve de 10 à 12 km (6 ou 7 mi) en bateau de la frontière américaine et à peu près à la même distance en automobile.
Du côté nord de la baie, la falaise abrupte recouverte de forêt présente le pont Narrows comme sujet spectaculaire pour une photographie, particulièrement durant la saison très colorée de l'automne. Lorsque tout autour n'est qu'une flambée embrasée de rouges et d'orangés, c'est un endroit que vous ne devez pas manquer!
Référence:
(1) Le contrat original se trouve aux Archives de la Société historique de Stanstead.