Mes amis et moi sommes à Wakefield, dans la MRC de La Pêche. Nous nous préparons à amorcer une visite à pied guidée.
C’est donc par une journée automnale remplie de soleil et de feuillages dans les collines de la Gatineau arborant un magnifique coloris saisonnier. Nous roulons vers la Maison Fairbairn sur la rive est de la rivière Gatineau, dans la partie nord du village. Nous nous stationnons dans le parc Hendrik et admirons cette magnifique ancienne résidence de style victorien.
Nous apercevons un joli petit sentier qui aboutit à un escalier fait d’immenses pierres plates, le long duquel dévale une vive rigole. Nous apprenons que ces marches sont le résultat d’un travail herculéen du groupe de bénévoles sous la direction de Ken Bouchard, qui est maintenant à sa retraite et s’est adonné à dégager nombre de sentiers pédestres dans les environs. Ceci est donc le début de notre visite du village.
Nous retournons dans le parc où sont stationnées nos voitures pour récupérer nos bouteilles à eau et nos vestes légères et nos caméras pour ensuite emprunter un sentier qui nous mènera hors du parc vers le fameux pont couvert de Wakefield. Nous nous attardons pour admirer les jardins et lire les plaques racontant l’histoire de la manière unique de reconstitution de ce fameux pont qui fut terminée en 1997. Nous prenons alors nombre de photos du pont et de la rivière telle qu’elle apparaît dans les lucarnes qui percent ses murs latéraux . Nous sommes surpris d’apprendre que ce magnifique travail de reconstruction fut entrepris par des bénévoles en remplacement de l’ancien pont Gendron ; un lien vital dans le développement de cette région gatinoise.
Nous empruntons ensuite le chemin Gendron et, selon certains historiens, cette route ne se raccordait pas du pont au village en ces temps-là. Elle ne fut refaite pour le desservir qu’en 1915, traversant alors les terres de William Fairbairn, constructeur de la belle résidence que nous avions déjà visitée dans le parc. Après avoir longé un complexe de condominiums, sur le côté droit de la route, construit sur les terres mêmes de M. Fairbairn, nous aboutissons sur le chemin Sully, à notre gauche. C’est ici où se situait l’imposante scierie montée par Bernard Sully au début du 20e siècle et considéré comme le pilier de l’économie du village pendant plusieurs années.
Suivant une courte marche de cinq minutes le long de cette route tranquille, nous arrivons à l’assiette de voirie de la voie ferrée du Canadien Pacifique, construite en 1890. Cette voie demeure aujourd’hui comme sentier pédestre, suite à l’enlèvement des rails tout le long du parcours, jusqu’ la ville de Maniwaki. Ceci eut eût lieu vers 1950 une fois le service des passagers terminé pour, finalement, prendre fin au terme du service de marchandises, au cours des années 1980.
C’est ici que nous faisons la rencontre de notre historienne Norma Geggie, auteure de plusieurs ouvrages visant le patrimoine de la Vallée-de-la-Gatineau et qui nous accompagnera pendant notre balade entière du centre du village.
Nous virons alors vers la gauche en direction sud, longeant le sentier pédestre de l’ancienne voie ferrée. Nous apercevons, tout près, des rails toujours sur place qui sont réservés pour le train touristique qui fait la navette entre la gare de Hull qui roule jusqu’au village de Wakefield, durant la période estivale. Nous nous trouvons alors tout près de la plaque tournante où l’immense locomotive est pivotée manuellement, pour ensuite être mise en dérivation et arrimée aux wagons pour son voyage de retour à la ville. Ceci est le site de la première gare de Wakefield, construite en 1890. Un petit parc se situe tout près où nous nous reposons quelques minutes avant de poursuivre notre exploration de la rue principale.
Lorsque nous résumons notre marche passé le magasin Wakefield General Store. Nous apercevons, à notre gauche, certaines des plus anciennes résidences du village. La première, celle de la famille des épiciers Morrison et la seconde, un fameux point de repère, fut la propriété des premiers médecins dans le canton de Wakefield. Ces bâtisses sont recouvertes aujourd’hui par un revêtement en vinyle blanc. Il serait fort intéressant de pouvoir jeter un coup d’œil sur le dessous de ce parement ; probablement un revêtement de bardage à clin. Juste en face, de l’autre côté de la rue, est sise une maison plus vaste encore, plus moderne et de style imagé. Elle fut construite en 1896 et est en opération sous le nom Les Trois Érables, un gîte fort reconnu.
En face, sur la rive de la Gatineau se trouve le restaurant Pot-au-Feu, aménagé dans l’ancienne gare qui fut construite en 1929, en remplacement de la gare originale située aujourd’hui sur le site du plateau tournant.
Nous déambulons maintenant sur la rive, à travers le parc Geggie et traversons la rue et le petit pont qui enjambe la rivière La Pêche qui se jette, à son tour, dans la rivière Gatineau. Une fois sur le pont, nous dirigeons notre regard vers les chutes La Pêche là où William Fairbairn construisit son premier moulin à provende, en 1838. Il n’est toutefois pas possible d’entrevoir les chutes ou ce premier moulin. Ils se trouvent à un kilomètre d’ici et sont dissimulés derrière une colline. Pour se rendre au moulin, qui sert aujourd’hui d’auberge et comme centre de congrès, il suffirait de déambuler à quelques mètres d’ici le long de la rue principale. Mais cette visite sera pour une autre fois.
Suivant le chemin Mill, nous arrivons à l’Auberge du Mouton Noir, connu autrefois sous le nom de Temperance Hotel, appartenant à Seth Cates, premier maire du canton de Wakefield, au cours des années 1860 à 1870. Entre temps, l’hôtel fut reconstruit et connu sous le nom de Château Diotte, rebaptisé plus tard Château Pearson. Toujours très populaire, cet hôtel mettait en vedette divers genres de musique, divertissements et danses. Aujourd’hui, plusieurs groupes musicaux reconnus évoluent sur l’ estrade du Mouton Noir.
Pendant que nous marchons, Madame Geggie nous renseigne sur les bâtisses qui furent incendiées, en 1904, tout le long de cette rue.
"Juste au sud de l’église en brique rouge devant nous, raconte-t-elle, se situait l’Hôtel Thomas, l’église Presbytérienne, assise sur la même fondation où se situe aujourd’hui l’église Unie et quatre résidences et commerces avoisinant l’Hôtel Thomas. Toujours l’autre côté de la rue, le magasin général et la résidence Patterson, ainsi que les étables et les chevaux qui s’y trouvaient, périrent dans la conflagration qui sévit au début du 20e siècle. Comme il n’existait, à ce moment-là, aucun service d’incendie, les villageois tentèrent de sauver le plus de bâtiments possible en formant une chaîne avec des seaux d’eau. Le village fut restauré durant les années qui suivirent ; tant le magasin général et les résidences riveraines, telles que nous les voyons aujourd’hui. L’église fut reconstruite en 1905, pour devenir l’Église Unie, en 1925, sise tout près des résidences de trois étages et des commerces que nous apercevons.
"En face de nous, en direction sud, la conflagration avait tout brûlé, jusqu’à cette petite maison avec sa garniture en pain d’épice. Durant ces années-là, c’était l’atelier du sellier William Poole qui habitait la maison juste au nord. Il légua une partie de ses terres à l’Église Méthodiste qui voisina sa résidence. Celle-ci fut également détruite par le feu à la fin des années 1950. L’édifice qui fut construit sur ses fondations abrite aujourd’hui un dépanneur que nous apercevons maintenant.
"Le regroupement de commerces réunis dans l’édifice de deux étages avoisinant, doté d’auvents rayés ont remplacé ce qui fut déjà un hôtel, dans ses diverses métamorphoses, au cours d’une centaine d’années. Il était géré d’abord par Foster Earle, membre de l’éminente famille Earle, qui habita ici durant des générations. Un peu plus loin l’édifice de couleur grise qui se trouve au coin de la promenade Valley fut construit en 1870 et servit comme point de vente de machinerie agricole, de quincaillerie et d’articles de plomberie pour le compte d’une autre famille Earle. Le second étage était dévoué comme sale de réunion pour le conseil municipal et où se tenaient les élections, vers la fin des années 1880 et, plus tard, comme théâtre pour démonstrations de lanterne magique et de films. Depuis lors, l’édifice connut plusieurs fins. Comme vous le verrez, il abrite maintenant un bistrot irlandais, un magasin de cadeaux et des studios artistiques."
Il va sans dire que mes compagnons et moi-même avons été émerveillés par notre périple historique, grâce à Madame Geggie et avons réalisé qu’il était déjà midi et la fin de notre marche pédestre. Nous avions alors décidé de déjeuner dans la maison patrimoniale l’autre côté de la rue. Celle-ci fut construite au cours des années 1880 comme résidence de la famille Earle. Elle fut revendue, comme restaurant, un siècle plus tard, mais conserve toujours le nom Earle.
Durant notre déjeuner, accompagnés de Madame Geggie, nous apprenions que le village de Wakefield possède plusieurs sites historiques que nous n’avions pas encore visités. Nous avons alors pris la résolution de revenir un de ces jours et terminer notre visite à pied.