Les moulins et le développement de Bolton et des Cantons

Author:
Serge Wagner, Patrimoine BOLTON Heritage
Image:
Thompson Mill, 2008. (Photo - Serge Wagner)

Pendant toute la période de colonisation, sous les Régimes français et britannique, tout projet de développement dépendait de la construction de moulins permettant de moudre le grain pour l’alimentation et de produire des planches pour l’habitation et les activités agricoles. Le 28 octobre dernier, c’est ce qu’ont présenté, à Bolton-Est, deux des plus grands spécialistes des moulins au Québec, les archéologues Hélène Buteau et Daniel Chevrier. Cette présentation était la dernière conférence organisée en 2012, l’église Holy Trinity, par l’association Patrimoine BOLTON Heritage. Nous ajoutons quelques éléments complémentaires sur les moulins.

larger_moulin_thompson_mills_2008.jpgLes moulins des Régimes français, anglais et des Cantons
Sous le Régime français, le territoire était subdivisé en seigneuries et chaque Seigneur devait obligatoirement construire le « moulin banal » que les habitants étaient tenus d’utiliser. Le Seigneur devait en plus ouvrir des chemins. Les moulins de la Nouvelle-France sont principalement des moulins à vent ; ils servent surtout à moudre le grain. Ces moulins ont généralement la forme d’une tour cylindrique, et ils sont situés sur une pointe de terre ou une élévation pour capter la force du vent. Et, bien sûr, la technologie des moulins provient de France.

Sous le Régime britannique, tout individu peut construire des moulins. Dans les Cantons de l’Est, les terres sont concédées selon le modèle britannique des Townships (tenures en franc et commun socage). Ce sera le cas du canton de Bolton.

larger_willards_mills_bolton_centre.pngLes moulins des Cantons sont tous des moulins à eau. Ils utilisent la force des cours d’eau et ils sont situés dans des sites accidentés où la force du courant est accrue. La plupart de ces moulins ont la forme d’un cube avec un toit en pente.

Comme les pionniers des Cantons provenaient de Nouvelle-Angleterre, les premiers moulins de la région adoptent la technologie ayant alors cours en Nouvelle-Angleterre. En fait, le savoir-faire provenait à l’origine de la Grande-Bretagne. Au fil du temps, la technologie évolue. Plus tard, on construit des moulins à turbine qui utilisent la force de l’eau pour faire tourner un « arbre ». La technologie des turbines est encore utilisée de nos jours dans les centrales hydro-électriques.

Dans les Cantons, on retrouve principalement les types de moulins suivants :
- moulins à moudre (farine) ;
- moulins à scier ;
- moulins à carder ;
- moulin à fouler.

Dans le canton de Bolton, tous ces moulins ont existé. On a même retrouvé une forge qui utilisait la force du courant.

Les premiers moulins du canton de Bolton
Le canton de Bolton fut attribué en 1797 à Nicholas Austin et à ses 53 associés. C’est le plus grand de tous les Cantons de l’Est. À ses débuts, le canton de Bolton s’étend de la chaîne des monts Sutton jusqu’à la rive ouest du lac Memphrémagog et de la rivière Magog. Austin décide de s’installer dans la partie sud-ouest du Canton, sur la pointe Gibraltar. La plupart des associés s’installent sur la Pointe ou à proximité, sur le territoire qui correspond en gros, aujourd’hui, au territoire de la municipalité d’Austin.

Vers 1793 ou 1794, le leader Nicholas Austin installe un petit moulin portatif sur un ruisselet attenant à ses terres de la pointe Gibraltar. Les pionniers utilisent ce moulin qui fonctionne jour et nuit. Cependant, on lui préfère bientôt le moulin que construit, avant 1799, Alexander Thompson, l’un des 53 Associés de Nicholas Austin.

Pendant plusieurs années, le moulin Thompson sera le moulin principal du canton de Bolton et des cantons avoisinants. On y vient d’aussi loin que le Canton de Stukely. Thompson a choisi un emplacement le long du ruisseau Powell qui se déverse dans la baie Sargent du lac Memphrémagog. Rapidement, le moulin Thompson devient un centre d’activités et prend le nom de Thompson’s Mills.

D’autres moulins seront construits le long du ruisseau Powell. Les deux archéologues (membres de la firme Archéotec) ont étudié pendant quelques années les moulins du ruisseau et certains de leurs vestiges.

Déclin des premiers moulins, débuts et essor à Bolton-Est
Un aspect important relevé est que les moulins sont rarement isolés. Ils deviennent un point d’attraction pour la population environnante. Rapidement, les chemins se rendent au moulin local. Puis un ou deux commerces s’établissent dans ses environs. Plus tard, on y retrouve une école, une église, puis un bureau de poste.

larger_st-pierre_mill_south_bolton.pngAussi, un très grand nombre des villages actuels se sont construits autour de moulins. Dans la municipalité de Bolton-Est, ce fut le cas des hameaux Bolton Sud et Bolton Centre, le long de la rivière Missisquoi. Les deux hameaux ont d’abord été des emplacements de moulins. Au début – comme à Thompson’s Mills – les deux hameaux ont été nommés Holland’s Mills et Willard’s Mills.

Progressivement, les moulins du ruisseau Powell perdent leur importance dans le Canton et dans la région. Ils périclitent et ferment un à un. Ce sont, entre autres, les moulins de la rivière Missisquoi qui prennent la relève : ils sont situés dans des lieux plus accessibles et plus fréquentés. Surtout, alors que le ruisseau Powell s’assèche souvent au cours de l’été, le débit de la rivière Missisquoi est beaucoup plus constant et considérable et cela permet de traiter une plus grande quantité de grains, de bois ou de laine.