"Rangers" du Major Rogers (1759)

Author:
Matthew Farfan

medium_rogers.jpgAucun récit sur les Cantons-de-l'Est ne serait complet sans la mention des "Rangers" de Rogers et de ce qui est devenu un des plus abominables épisodes de l'histoire des Cantons. Après la défaite de Québec en 1759, mais avant que la guerre ne soit complètement terminée, le général britannique Jeffery Amherst décida de punir les Indiens du Saint-François (Abénaquis) à cause de leurs raids fréquents et de leur support constant pour les Français.

Le major Robert Rogers, un officier des colonies, fut choisi pour mener une expédition de 200 hommes habitués aux guerres contre les Amérindiens. Leur destination était le village abénaquis d'Odanak, une mission colonie située à l'embouchure de la rivière Saint-François.

Le 13 septembre 1759, l'expédition se dirigea vers le nord en bateau à partir des quartiers généraux d'Amherst au lac Champlain. En route, un accident -- un baril de poudre explosa dans le camp -- nécessita le retour de quarante des hommes du major Rogers à la base. Les autres 160 pagayèrent sur la baie Missisquoi, dans le secteur nord du lac. Après avoir caché leurs bateaux, ils continuèrent à pied à travers la forêt. Cependant, ils furent poursuivis par environ 200 hommes, des Français et des Amérindiens. Les bateaux avaient été découverts dans leur cachette et sans doute, l'explosion avait alerté les Français.

En alerte croissante, l'expédition (moins quelques hommes qui avaient été renvoyés pour faire rapport sur la situation) se fraya un chemin à travers un secteur de marais et de forêts. Évitant la route plus facile de la rivière Yamaska, -- ce qui aurait été un choix trop évident (la rivière étant certainement surveillée par les Français de toute façon), le major Rogers arriva à Odanak vingt-deux jours après avoir reçu ses ordres.

Le 4 octobre, l'expédition attaqua le petit village tranquille. Ils rencontrèrent peu de résistance puisque la plupart des hommes étaient partis à la chasse. Les villageois qui étaient restés furent presque tous massacrés. Quelques-uns furent capturés comme prisonniers. Odanak fut incendiée et l'église de la mission saccagée. Quelques prisonniers anglais furent libérés; le maïs et d'autres objets furent saisis. Le major Rogers rapporta avoir tué au moins 200 villageois, même s'il est fort probable qu'il ait grandement exagéré le véritable nombre -- vraisemblablement plus près de trente. La majorité des morts étaient des femmes et des enfants.

Se retirant par la rivière Saint-François, le major Rogers fut poursuivi par un groupe de guerriers qui étaient revenus au village et avaient découvert le massacre. Les Abénaquis avaient réussi à tuer plusieurs "Rangers" dans ce qu'on appellera plus tard le canton de Kingsey. Plusieurs de ses hommes blessés, exténués et affamés, le major Rogers se remit en route vers Big Forks (aujourd'hui Sherbrooke). De là, il envoya un détachement à Little Forks (Lennoxville) pour allumer un feu afin que les poursuivants croient que ses hommes y campaient. De retour sur les hauteurs à Big Forks, ils prirent les Abénaquis par surprise, approchant en remontant la rivière dans leurs canots et tirèrent sur eux à leur passage sous leur poste d'observation.

Le major Rogers et ses hommes continuèrent jusqu'à Little Forks où ils se séparèrent en petits groupes après avoir convenu de se retrouver plus tard dans le New Hampshire. Il croyait que par petits groupes, ils seraient plus difficiles à traquer et que la chasse pour se nourrir serait plus facile. Cependant, en cours de route, les groupes en retraite furent poursuivies par les Abénaquis. Plusieurs soldats furent tués. D'autres furent capturés et ramenés à Odanak où ils furent torturés. Après de dures épreuves et la perte de plusieurs hommes, le major Rogers et son groupe de beaucoup réduit regagnèrent lentement leur camp sur les bords du lac Champlain.